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240 DE LA FACULTÉ APPETITIVE.

également ses inclinations, et il court le danger d'être détesté ou évité, ou de se ruiner par luxe, — toutes choses qu'il ne remarque pas; c'est une folie (de faire d'une partie de sa fin le tout) qui est opposée à la raison, même dans son principe formel. Les passions ne sont donc pas, comme les émotions, des dispositions malheureuses de l'âme, qui sont grosses de beaucoup de maux; ce sont aussi, sans exception, des dispositions mauvaises, et le meilleur désir, eût-il la vertu (quant à la matière) pour objet, par exemple la bienfaisance, aussitôt qu'il tourne à la passion, est cependant (quant à la forme) non seulement pernicieux au point de vue de l’intérêt, mais condamnable au point de vue moral. L'émotion ne porte qu'une atteinte momentanée à la liberté et à l'empire de soi. La passion l'abandonne et trouve son plaisir et son contentement dans le sentiment de la servitude. Et, comme cependant la raison ne cesse pas de faire appel à la liberté interne, l'infortuné soupire dans ses fers, sans toutefois pouvoir les briser, parce qu'ils se sont pour ainsi dire fortifiés avec ses membres. Et cependant les passions ont aussi trouvé leurs apologistes (car où ne s'en trouve-t-il pas, lors qu'une fois la méchanceté a pris place parmi les principes?) et l'on dit : « Que jamais rien de grand ne s'est fait dans le monde sans fortes passions, et que la Providence elle-même les a sagement emplantées comme autant de ressorts dans la nature humaine. » On peut bien le dire des inclinations de toute espèce, dont la