Page:Kant - Anthropologie.djvu/357

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
346
APPENDICES.


qu’une juste application de cette idée peut faire naître. Permettez-moi donc, gracieuse et noble demoiselle, de justifier ma conduite en cette affaire, puisqu’il pourrait sembler que je n’ai peut-être fait que suivre une présomption commune, en cherchant des récits accrédités jusqu’ici et en les adoptant sans un examen scrupuleux.

Je ne sais si l’on a jamais dû remarquer en moi une inclination pour le merveilleux, ou une foi trop crédule. Ce qu’il y a de certain, c’est que, malgré toutes les histoires d’apparitions et d’opérations de la part des esprits, dont un grand nombre des plus vraisemblables m’a été raconté, j’ai toujours pensé qu’il est plus conforme à la règle de la saine raison d’incliner à la négation. Ce n’est pas que j’estime impossible d’avoir rien vu de semblable (que savons-nous, en effet, de la nature d’un esprit ?), mais il n’y a pas là de preuve suffisante. L’inintelligibilité de cette espèce de phénomènes, leur inutilité, le grand nombre de difficultés qui s’y attachent, la fourberie découverte, la facilité excessive à croire, tout cela fait qu’en général je ne prends pas la peine, et que je ne juge pas convenable d’avoir peur sur les cimetières ou dans l’obscurité. Telle était depuis longtemps ma disposition d’esprit quand l’histoire de M. Swedenborg m’est parvenue.

J’appris cette nouvelle par un officier danois, de mes amis, autrefois mon auditeur, qui, étant à la table de l’ambassadeur autrichien, Dietrichstein, à Copenhague, avait lu, ainsi que d’autres convives, la lettre que ce monsieur recevait en même temps du baron de Lützow, ambassadeur du Mecklembourg à Stockholm, et dans laquelle ledit Lützow lui annonçait qu’il avait appris, en compagnie de l’ambassadeur hollandais, chez la reine de Suède, l’histoire singulière de M. Swedenborg, que vous connaissez déjà. Un pareil renseignement, si difficile à croire qu’il soit, est difficile à nier ; car il n’est pas facile d’admettre qu’un ambassadeur ait attribué à un autre, pour un usage public, un renseignement qui devait mander de la reine d’une cour où il se trouvait, quelque chose qui eût été faux, et