Page:Kant - Anthropologie.djvu/371

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l’étonnante prophétie de Holberg, à savoir que le nombre des extravagants augmente de jour en jour, et qu’il est à craindre qu’ils ne se mettent dans la tête de fonder une cinquième monarchie. Mais en supposant qu’ils aient ce dessein, ils ne devraient cependant pas y mettre beaucoup d’empressement, car l’un d’eux pourrait facilement glisser à l’oreille de l’autre ce que le bouffon connu d’une cour voisine, chevauchant en habit de fou dans les rues d’une ville de Pologne, criait aux étudiants qui lui couraient après : « Messieurs, soyez laborieux, apprenez quelque chose, car si les nôtre sont trop nombreux, vous pourrez bien n’avoir pas tous du pain. »

Je passe des maladies cérébrales, qui sont dédaignées ou dont on se moque, à celles qu’on regarde d’ordinaire avec compassion ; de celles qui n’empêchent pas le libre commerce avec les autres citoyens à celles dont s’occupe la prévoyance administrative, et en vue desquelles elle prend des mesures. Je divise ces maladies en deux classes, suivant qu’il y a impuissance ou perversion. Les premières sont comprises sous la dénomination générale d’imbécillité, les secondes sous le nom d’esprit à l’envers. L’imbécile se trouve dans une grande impuissance de mémoire, de raison, et même en général de sensibilité physique. Cette affection est le plus souvent incurable ; car s’il est difficile de remédier aux désordres fougueux d’un cerveau désordonné, il doit presque toujours être impossible de faire passer une vie nouvelle dans ses organes engourdis. Les phénomènes de cette faiblesse, qui empêche ces malheureux de jamais sortir de l’état d’enfance, sont trop connus pour qu’il soit nécessaire de s’y arrêter longtemps.

Les vices d’une tête à l’envers se réduisent naturellement à autant de chefs principaux qu’il y a de facultés de l’âme qui peuvent être affectées. Je crois pouvoir les ramener tous aux trois divisions suivantes : 1° La perversion des notions expérimentales, dans l’hallucination ; 2° le désordre du jugement en matière expérimentale, dans le délire ; 3° le désordre de la raison par rapport aux jugements universels, dans la manie.