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RÊVES D'UN HOMME QUI VOIT DES ESPRITS.


matériel, ou si elle est immatérielle et par conséquent un esprit, et même si une espèce d’êtres comme ceux qu’on appelle spirituels est seulement possible.

Et en cela je ne puis trop me précautionner contre les résolutions téméraires qui s’engagent on ne peut plus légèrement dans les questions les plus difficiles et les plus obscures. Quant aux notions expérimentales ordinaires, on a l’habitude de croire qu’on en comprend la possibilité. Au contraire, s’il s’agit de quelque chose qui s’en éloigne, et qu’aucune expérience ne puisse faire concevoir, même par analogie, on ne peut assurément s’en faire aucune idée, et l’on a généralement coutume de le rejeter comme impossible. Toute matière résiste dans le lieu de sa présence, et s’appelle, par cette raison, impénétrable. C’est un fait enseigné par l’expérience, et l’abstraction opérée sur cette expérience produit en nous la notion générale de matière. Cette résistance occasionnée par quelque chose dans le lieu où il est présent est bien connue par là, mais elle n’est pas pour cela comprise. Car, ainsi que toutes les choses qui réagissent contre une action, cette résistance est une véritable force, et comme sa direction est opposée à celle suivant laquelle les lignes tirées tendent au rapprochement, c’est une force de répulsion, qui doit être attribuée à la matière et à ses éléments. Toute personne raisonnable accordera sans peine que l’esprit humain se trouve ici à bout. L’expérience seule, en effet, peut apprendre que des choses cosmiques, que nous appelons matérielles, sont animées d’une pareille force, mais on n’en pourra jamais par là comprendre la "possibilité. Si donc j’admets des substances d’une autre espèce, qui soient présentes dans l’espace avec d’autres forces que la force impulsive, dont la conséquence est l’impénétrabilité, je ne puis absolument pas leur concevoir in concreto une activité qui est sans analogie avec mes représentations expérimentales, et puisque je leur retire la propriété de remplir l’espace où elles agissent, alors c’en est fait pour moi de la notion par laquelle, d’ailleurs, me sont concevables les choses qui tombent sous mes sens, et