cependant pénétrer assez avant, pour qu’en vertu de la loi des notions associées elles excitent les images qui ont avec elles des affinités, et éveillent des représentations analogues de nos sens, représentations qui ne sont pas la notion spirituelle même, mais qui en sont cependant des symboles. Car, au fond, c’est toujours la même substance qui est membre de l’un et de l’autre monde, et les deux espèces de représentations appartiennent à un seul et même sujet, et sont unies entre elles. Nous pouvons en faire comprendre jusqu’à un certain point la possibilité, en considérant comment nos idées rationnelles plus élevées, qui se rapprochent passablement des idées spirituelles, prennent habituellement une sorte de vêtement corporel pour paraître plus claires. C’est ainsi que les attributs moraux de la Divinité sont représentés sous les idées de colère, de jalousie, de miséricorde, de vengeance, etc. ; c’est ainsi que les poëtes personnifient les vertus, les vices, ou d’autres propriétés de la nature, de telle façon cependant que la véritable idée de l’entendement se fait jour à travers ; c’est ainsi encore que le géomètre représente le temps par une ligne, quoique l’espace et le temps n’aient de conformité que dans des rapports, et ne s’accordent entre eux que par analogie, et jamais quant à la qualité ; c’est ainsi également que la représentation de l’éternité divine prend même chez les philosophes l’apparence d’un temps infini, si attentif qu’on soit à ne pas confondre ces deux choses. Une des grandes raisons qui portent généralement les mathématiciens à rejeter les monades de Leibniz, c’est qu’ils ne peuvent se les représenter comme de petites molécules. Il n’est donc pas invraisemblable que des sensations spirituelles puissent passer dans la conscience, si elles excitent des fantaisies qui leur soient analogues. De cette manière, des idées, qui sont communiquées par une influence spirituelle, se revêtiraient des signes de ce langage, qui est d’ailleurs dans les habitudes de l’homme ; la présence sentie d’un esprit prendrait l’image d’une figure humaine, l’ordre et la beauté du monde immatériel se traduiraient en fantaisies qui d’ailleurs flattent nos sens dans la vie, etc.
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