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CLARTÉ DES REPRÉSENTATIONS


outre mesure ; c’est une sorte de superstition ; on la regarde comme une mine cachée dans les profondeurs de l’âme ; on déclare même parfois que ses sentences sont comme autant d’oracles (le génie de Socrate) plus certains que tout ce que la science la plus accomplie peut jamais avancer. — Il est certain sans doute que si la solution d’une question repose sur les règles générales et innées de l’entendement (dont la possession s’appelle esprit naturel), il n’est pas aussi sûr de se préoccuper des principes scientifiques et artificiellement établis (de l’esprit de l’école), et d’embrasser en conséquence une détermination, que de s’en rapporter, dans le jugement, à l’inspiration des principes déterminants qui reposent obscurément au fond de l’âme. C’est ce qu’on pourrait appeler le tact logique : la réflexion se présente alors l’objet sous toutes les faces et en déduit un sage résultat, sans avoir conscience des actes qui s’accomplissent à cet effet dans l’intérieur de l’esprit.

Mais le bon sens ne peut prouver qu’il est en possession de cette supériorité que par rapport aux objets de l’expérience. Par l’expérience il peut non seulement s’élever à la connaissance, mais encore étendre l’expérience elle-même ; non pas, il est vrai, sous le rapport spéculatif, mais simplement sous le rapport empirico-pratique, car dans la spéculation il faut des principes scientifiques à priori ; mais dans la pratique expérimentale il peut y avoir aussi des expériences, c’est-à-dire des jugements qui soient continuellement confirmés par voie d’expérimentation et de succès.