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Page:Kant - Anthropologie.djvu/424

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tions que la curiosité ou la vaine démangeaison de connaître soulève sans distinction. Et alors les récits de cette espèce n’auront jamais que des partisans secrets, et seront publiquement rejetés par la mode dominante de l’incrédulité.

Toutefois cette question ne me semblant ni importante ni suffisamment préparée pour recevoir une solution, je n’hésite pas à rapporter ici un fait de l’espèce mentionnée, et de le livrer avec une entière indifférence à l’appréciation favorable ou défavorable du lecteur.

Il y a à Stockholm un certain M. Swedenborg, sans emploi ni fonctions, qui jouit d’une assez belle fortune. Toute son occupation consiste, comme il dit lui-même, à vivre comme il le fait depuis plus de vingt ans, dans le commerce le plus intime avec les esprits et les âmes des morts, à savoir d’eux ce qui se passe dans l’autre monde, à leur apprendre les nouvelles de celui-ci, à composer de gros volumes sur ses découvertes, et à faire quelquefois le voyage de Londres pour en surveiller l’impression. Il ne fait pas précisément mystère de ses secrets ; il en parle ouvertement à chacun, semble très persuadé de ce qu’il dit, et sans la moindre apparence de tromperie calculée ou de charlatanisme. Comme il est de tous les visionnaires, si l’on s’en rapporte à lui-même, le plus grand visionnaire, il est certainement aussi le premier fantaste entre les fantastes que l’on puisse juger d’après la description qu’en font ceux qui le connaissent, ou d’après ses écrits. Cette circonstance ne peut cependant pas empêcher ceux qui sont d’ailleurs favorables aux influences des esprits de présumer que sous cette fantaisie se trouve aussi quelque chose de vrai. Cependant comme la créance à toutes les missions de l’autre monde consiste dans des arguments qui la dépouillent par certaines épreuves dans le monde présent de sa vocation extraordinaire, je dois du moins faire connaître de ce qui se débite en faveur de la croyance à la faculté extraordinaire de cet homme, ce qui trouve encore quelque foi auprès du plus grand nombre.

Vers la fin de l’année 1764, M. Swedenborg fut appelé auprès