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Page:Kant - Critique de la raison pratique (trad. Picavet).djvu/18

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AVANT-PROPOS DE LA SECONDE ÉDITION

Ce qui peut seul échoir à la créature, c’est la conscience de son intention éprouvée, pour s’élever à un état moralement meilleur, l’espoir d’un progrès ininterrompu même après cette vie. La conviction de l’immutabilité de l’intention dans le progrès vers le bien semble être une chose impossible en soi pour une créature. C’est pourquoi la doctrine chrétienne la fait dériver uniquement du même esprit qui opère la sanctification… (p. 224).

C’est à la liberté que Kant, comme bien d’autres chrétiens, demande la résolution des concepts posés comme problèmes. Elle forme la clef de voûte de tout l’édifice d’un système de la raison pure et même de la raison spéculative. A elle se rattachent les concepts de Dieu et de l’immortalité, qui, avec elle et par elle, acquièrent de la consistance et de la réalité objective (p. 2). Par elle nous entrons dans le suprasensible, nous sortons de nous-mêmes, nous trouvons, pour le conditionné et le sensible, l’inconditionné et l’intelligible (p. 191). Elle n’est pas une propriété psychologique, c’est un prédicat transcendental de la causalité d’un être qui appartient au monde des sens (p. 170). Mais à quelle condition la raison pure, pratique, nous ouvre-t elle la merveilleuse perspective d’un monde intelligible, par la réalisation du concept, d’ailleurs transcendant, de la liberté ? Si Dieu est cause de l’existence de la substance, il semble que les actions de l’homme ont leur principe déterminant dans la causalité d’un être suprême dont dépendent son existence et toute la détermination de sa causalité. L’homme serait alors une marionnette, un automate de Vaucaason. Il faut donc, pour maintenir la liberté et conserver la doctrine de la création, c’est-à-dire pour échapper au spinozisme, faire de l’existence dans le temps un simple mode de représentation sensible des êtres pensants dans le monde ; il faut prendre le temps et l’espace, non comme des déterminations appartenant à l’existence des choses en soi, non comme des conditions appartenant nécessairement à l’existence des êtres finis et dérivés, mais comme des formes à priori de la sensibilité, ainsi que l’a établi la Critique de la Raison pure, dont on aperçoit clairement la liaison avec la Critique de la liaison pratique. La création a rapport aux noumènes, non aux phénomènes ; Dieu, créateur et cause des noumènes, n’est pas la cause des actions dans le monde sensible (p. 182-185). Dès lors on conçoit une connexion nécessaire, médiate, par l’intermédiaire d’un auteur intelligible de la nature, entre la moralité de l’intention comme cause, et le bonheur, effet dans le monde sensible.

La liberté devient capable d’une jouissance qu’on ne peut appeler