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ANALYTIQUE DE LA RAISON PURE PRATIQUE

que seules nous devons donner à notre rapport à la loi morale. Nous sommes sans doute des membres législateurs d’un royaume moral, qui est possible par la liberté et qui nous est représenté par la raison pratique comme un objet de respect, mais en même temps nous en sommes les sujets et non le souverain, et méconnaître notre position inférieure comme créatures, rejeter présomptueusement l’autorité de la loi sainte, c’est déjà faire défection à la loi en esprit, quand même on en remplirait le lettre.

Avec cette façon de voir (hiemit) s’accorde fort bien la possibilité d’un commandement comme celui-ci : Aime Dieu par-dessus tout et ton prochain comme toi-même [1]. Car il existe, comme commandement, le respect pour une loi qui commande l’amour et n’abandonne pas à un choix arbitraire le soin de nous en faire un principe. Mais l’amour de Dieu est impossible comme penchant (comme amour pathologique), car Dieu n’est pas un objet des sens. L’amour envers les hommes est possible, à vrai dire, mais il ne peut être commandé, car il n’est au pouvoir d’aucun homme d’aimer quelqu’un simplement par ordre. C’est donc simplement l’amour pratique qui est compris dans ce noyau de toutes les lois. Aimer Dieu signifie dans cette acception exécuter volontiers ses commandements ; aimer le prochain signifie pratiquer volontiers tous ses


    obligation : mais nous ne voyons aucune autre expression qui puisseêtre employée. Barn se sert de debitum. (F. P.)

  1. Le principe du bonheur personnel, dont quelques-uns veulent faire le principe suprême de la moralité, forme un contraste frappant avec cette loi. Ce principe s’énoncerait ainsi : Aime-toi par-dessus tout et Dieu et ton prochain pour l’amour de (um .. willen) toi-même.