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CRITIQUE DE LA RAISON PRATIQUE


la possibilité pour elle d’être pratique, est fait en pure perte (ist vergeblich)[1].

Avec ce pouvoir est aussi fermement établie désormais la liberté trancendantale en prenant cette expression au sens absolu que réclamait, dans son usage du concept de causalité, la raison spéculative pour échapper à l’antinomie où elle tombe inévitablement lorsque, dans la série de la liaison causale, elle veut concevoir l'inconditionné (Unbedingte). Ce concept, la raison spéculative ne pouvait le poser que problématiquement, comme non impossible à penser, sans en affirmer (sichern) la réalité objective, et uniquement pour ne pas être attaquée dans son essence et plongée dans un abîme de scepticisme, à cause de la prétendue impossibilité de ce qu’elle doit au moins faire valoir comme concevable (denkbar).

Le concept de la liberté, en tant que la réalité en est prouvée (bewiesen) par une loi apodictique de la raison pratique, forme la clef de voûte de tout l’édifice d’un système de la raison pure et même de la raison spéculative. Tous les autres concepts (ceux de Dieu et de l’immortalité qui, comme simples (blosse)[2] idées, demeurent sans support dans la raison spé-

  1. Barni traduit : il n’y a pas de sophisme qui puisse rendre douteuse la possibilité de son existence ; Abbot dit de même : the possibility of its being real ; Born : contra possibilitatem illius. — Le texte porte : die Möglichkeit, es zu sein, qu’il faut nécessairement traduire : la possibilité d’être cela, c’est-à-dire pratique. (F. P.)
  2. Nous traduisons par simples le mot blosse qu’Abbot rend par mere ; en le traduisant par pures comme Barni, on s’expose à le faire confondre avec reine, qui a un sens distinct. (F. P)