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esthétique transcendantale

[§ 5. — Exposition transcendantale du concept du temps.

Je puis sur ce point me reporter au n°3 où, pour plus de brièveté, j’ai placé sous le titre d’exposition métaphysique ce qui est proprement transcendantal. J’ajoute ici que le concept du changement — et aussi celui du mouvement (comme changement de lieu) — n’est possible que par et dans la représentation du temps, et, que si cette représentation n’était pas une intuition (interne) a priori, nul concept, quel qu’il soit, ne pourrait rendre intelligible la possibilité d’un changement, dans un seul et même objet (Object), c’est-à-dire la possibilité d’une liaison de prédicats opposés contradictoirement (par exemple, l’existence d’une chose dans un lieu et la non-existence de cette même chose dans le même lieu). Ce n’est que dans le temps, c’est-à-dire successivement, que deux déterminations contradictoirement opposées peuvent convenir à une même chose. Notre concept du temps explique donc la possibilité de toutes les connaissances synthétiques a priori que renferme la théorie générale du mouvement, théorie qui n’est pas peu féconde[1].]

[§ 6]. — Conséquences tirées de ces concepts.

a) Le temps n’est pas quelque chose qui existe en soi, ou qui soit inhérent aux choses comme une détermination objective, et qui, par conséquent, subsiste, si l’on fait abstraction de toutes les conditions subjectives de leur intuition ; clans le premier cas, en effet, il faudrait qu’il fût quelque chose qui existât réellement sans objet réel. Mais dans le second cas, en qualité de détermination ou d’ordre inhérent aux choses elles-mêmes, il ne pourrait être donné avant les objets comme leur condition, ni être connu et intuitionné a priori par des propositions synthétiques ; ce qui devient facile, au contraire, si le temps n’est que la condition subjective sous laquelle peuvent trouver place en nous toutes les intuitions. Alors, en effet, cette forme de l’intuition intérieure peut être représentée avant les objets et, par suite, a priori.

b) Le temps n’est autre chose que la forme du sens interne,

  1. Passage ajouté dans la 2e  édition.