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de l’espace

laisse du reste intacte la certitude de la connaissance expérimentale, car nous en sommes toujours aussi certains, que ces formes soient nécessairement inhérentes aux choses en soi ou simplement à notre intuition des choses. Au contraire, ceux qui affirment ainsi la réalité absolue de l’espace et du temps, qu’ils les entendent comme des substances ou des accidents, doivent (müssen) se mettre facilement en contradiction avec les principes de l’expérience elle-même. En effet, s’ils se décident pour le premier parti (comme font généralement les physiciens mathématiciens), il leur faut admettre, comme éternels et infinis, existant par eux-mêmes, deux non-êtres (Undinge) (espace et temps), qui (sans être pourtant quelque chose de réel) n’existent que pour contenir en eux-mêmes tout le réel. S’ils adoptent le second parti (qui est celui de quelques physiciens métaphysiciens) et si l’espace et le temps sont pour eux des rapports des phénomènes tirés de l’expérience, mais, il est vrai, confusément représentés dans cette abstraction (des rapports de juxtaposition ou de succession), il faut qu’ils contestent aux doctrines a priori de la Mathématique concernant les choses réelles (dans l’espace, par exemple) leur valeur ou du moins leur certitude apodictique, puisqu’une telle certitude ne saurait être a posteriori et que les concepts a priori d’espace et de temps, d’après cette opinion, ne sont que des créations de l’imagination dont la source doit réellement être cherchée dans l’expérience. L’imagination a formé des rapports abstraits de cette expérience quelque chose qui, à la vérité, renferme ce qu’il y a en elle de général, mais qui ne saurait trouver place sans les restrictions que la nature y attache. Les premiers ont, sans doute, l’avantage de laisser le champ des phénomènes ouvert pour les propositions mathématiques. En revanche, ils sont singulièrement embarrassés par ces mêmes conditions quand l’entendement veut sortir de ce champ. Les seconds, sur ce dernier point, ont l’avantage, il est vrai, de n’être pas gênés dans leur chemin par les représentations de l’espace et du temps, quand ils veulent juger des objets, non comme phénomènes, mais, simplement, dans leur rapport avec l’entendement ; mais ils ne peuvent ni rendre compte de la possibilité des connaissances mathématiques a priori (puisqu’il leur manque une intuition a priori, véritable et objectivement valable), ni établir un accord