devrons en revanche nommer entendement le pouvoir de produire nous-mêmes des représentations ou la spontanéité de la connaissance. Notre nature est ainsi faite que l’intuition ne peut jamais être que sensible, c’est-à-dire ne contient que la manière dont nous sommes affectés par des objets, tandis que le pouvoir de penser l’objet de l’intuition sensible est l’entendement. Aucune de ces deux propriétés n’est préférable à l’autre. Sans la sensibilité, nul objet ne nous serait donné et sans l’entendement nul ne serait pensé. Des pensées sans contenu (Inhall) sont vides, des intuitions sans concepts, aveugles. Il est donc aussi nécessaire de rendre ses concepts sensibles (c’est-à-dire d’y ajouter l’objet dans l’intuition) que de se faire intelligibles ses intuitions (c’est-à-dire de les soumettre à des concepts). Ces deux pouvoirs ou capacités ne peuvent pas échanger leurs fonctions. L’entendement ne peut rien intuitionner, ni les sens rien penser. De leur union seule peut sortir la connaissance. Cela n’autorise cependant pas à confondre leurs attributions ; c’est, au contraire, une grande raison pour les séparer et les distinguer soigneusement l’un de l’autre. Aussi distinguons-nous la science des règles de la sensibilité en général, c’est-à-dire l’Esthétique, de la science des règles de l’entendement en général, c’est-à-dire de la Logique.
La Logique, à son tour, peut être envisagée sous deux points de vue : ou comme Logique de l’usage général, ou comme Logique de l’usage particulier de l’entendement. La première contient les règles absolument nécessaires de la pensée, sans lesquelles il ne peut y avoir aucun usage de l’entendement, et concerne, par conséquent, l’entendement, abstraction faite de la diversité des objets auxquels il peut être appliqué. La logique de l’usage particulier de l’entendement contient les règles à suivre pour penser justement sur une certaine espèce d’objets. On peut appeler la première Logique élémentaire et l’autre Organon de telle ou telle science. Cette dernière, la plupart du temps, est présentée la première dans les écoles à titre de propédeutique des sciences, bien que, d’après la marche de l’humaine raison, elle soit en réalité la dernière étape où l’on arrive, quand la science est déjà terminée depuis longtemps et n’a besoin que de la dernière main pour être vérifiée et perfectionnée. Car il faut connaître les objets à un degré déjà passablement élevé quand on veut