Page:Kant - Critique de la raison pure, 1905.djvu/146

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que substance) une existence indépendante de celle des autres et cependant comme unie en un tout.]

[§ 12[1]. Mais il y a encore dans la philosophie transcendantale des anciens un chapitre qui renferme des concepts purs de l’entendement, qui, sans être comptés parmi les catégories, étaient cependant regardés par les anciens comme ayant la valeur de concepts a priori d’objets ; s’il en était ainsi ils augmenteraient le nombre des catégories, ce qui ne peut pas être. Ces concepts sont exprimés par cette proposition si célèbre chez les scolastiques : quodlibet ens est unum, verum, bonum. Or, quoique, à la vérité, l’usage de ce principe ait abouti à de si misérables conséquences (qui donnaient des propositions manifestement tautologiques) que, dans les temps modernes, on ne l’admet plus guère que par bienséance dans la Métaphysique, une pensée qui s’est soutenue si longtemps, pour vide qu’elle puisse paraître, mérite toujours, cependant, qu’on recherche son origine, et elle autorise à supposer qu’elle a son principe dans l’une des règles de l’entendement, principe qui, comme il arrive souvent, n’aura été que mal interprété. Ces prétendus prédicats transcendantaux des choses ne sont rien de plus que des exigences logiques et des critères de toute la connaissance des choses en général, à laquelle ils donnent pour fondement les catégories de la quantité, savoir : celles de l’unité, de la pluralité et de la totalité. Seulement, ces catégories qu’il aurait fallu prendre dans un sens proprement matériel, comme conditions de la possibilité des choses elles-mêmes, les anciens ne les employaient, en réalité, qu’au sens formel, comme conditions logiques nécessaires pour toute connaissance et, pourtant, ils faisaient très inconsidérément de ces critères de la pensée les propriétés des choses en elles-mêmes. Dans toute connaissance d’un objet (Objects) il y a l’unité du concept, que l’on peut appeler unité qualitative en tant que sous ce concept n’est pensée que l’unité de l’ensemble du divers des connaissances, à peu près comme l’unité du thème dans un drame, dans un discours, dans une fable. Vient ensuite la vérité par rapport aux conséquences. Plus il y a de conséquences vraies tirées d’un concept donné, plus il y a de signes de son objective réalité. C’est ce qu’on pourrait appeler la pluralité qualitative des signes qui appar-

  1. Le § 12 est une addition de la 2e  édition.