Page:Kant - Critique de la raison pure, 1905.djvu/15

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cepts ou aux jugements de l’entendement (Urtheilskraft). Et ainsi, contrairement aux vues de tous les rationalistes dans le passé, l’a priori ne donne une connaissance qu’en constituant, à l’aide de données intuitives et sensibles, une expérience, c’est-à-dire une nature et une science ; et au contraire, pris comme une idée pure, et traité comme tel par l’analyse du métaphysicien, jamais il ne donnera ce qu’il ne contient pas, c’est-à-dire une science ou une connaissance. L’illusion du métaphysicien a été de traiter comme science ce qui n’est à aucun titre ni à aucun degré de l’ordre de la science ; et l’illusion est venue de ce qu’il n’a point vu que l’a priori, en tant que source ou élément de connaissance, n’engendre une connaissance véritable (Erkenntniss), au sens rigoureux du terme, que dans l’expérience (Erfahrung). — Mais ce qu’il est interdit de connaître, comme objet de science, peut-être, n’est-il pas impossible de le penser, comme objet de croyance ; et si cette fonction de la pensée, relativement à l’a priori, s’imposait à nous pour des raisons différentes de celles de la science, et par exemple pour des fins pratiques intéressant la moralité, rien dans la science n’y pourrait mettre obstacle, et le champ de la croyance pourrait s’ouvrir devant nous au delà et indépendamment du champ de l’expérience. Kant avait donc le droit de condamner la métaphysique comme science ; mais son agnosticisme gardait une valeur positive et était bien loin d’être une négation stérile. Au contraire Auguste Comte qui condamnait comme lui la métaphysique, n’en avait pas le droit et n’invoquait qu’un fait, l’insuccès persistant, mais inexpliqué, de la métaphysique ; et Spencer accentuait la gravité de la faute, en posant dans le vide, au-dessus de la religion et au-dessus de la science, son Inconnaissable, la plus vaine et la plus inutile, en même temps que la plus illégitime des abstractions.