Page:Kant - Critique de la raison pure, 1905.djvu/204

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Mais si la logique générale ne peut donner de préceptes au jugement, il en est tout autrement de la logique transcendantale, à tel point que celle-ci semble avoir pour affaire propre de rectifier et d’assurer le jugement par des règles déterminées, dans l’usage qu’il fait de l’entendement pur. En effet, pour procurer de l’extension à l’entendement dans le champ des connaissances pures a priori, et par suite comme doctrine, la philosophie ne paraît pas du tout nécessaire, ou paraît plutôt être mal appliquée, puisqu’après toutes les tentatives faites jusqu’ici, on n’a gagné que peu de terrain, ou même pas du tout ; mais comme critique pour prévenir les faux pas du jugement (lapsus judicii) dans l’usage du petit nombre de concepts purs que nous fournit l’entendement, la philosophie (bien que son utilité ne soit que négative), s’offre à nous avec toute sa perspicacité et son habileté d’examen.

La philosophie transcendantale a ceci de particulier que, outre la règle (ou plutôt la condition générale des règles) qui est donnée dans le concept pur de l’entendement, elle peut indiquer aussi et en même temps a priori le cas où la règle doit être appliquée. La raison de la supériorité qu’elle a sous ce rapport sur toutes les autres sciences instructives, la Mathématique exceptée, c’est qu’elle traite de concepts qui doivent se rapporter a priori à leurs objets et, par suite, dont la valeur objective ne peut pas être démontrée a posteriori, car on méconnaîtrait entièrement ainsi leur dignité ; mais il faut qu’elle expose en même temps, à l’aide de signes généraux, mais suffisants, les conditions sous lesquelles peuvent être donnés des objets en accord avec ces concepts, autrement ils n’auraient point de contenu, et par conséquent ne seraient que de simples formes logiques et non des concepts purs de l’entendement.

Cette doctrine transcendantale du jugement contiendra donc deux chapitres, traitant, le premier de la condition sensible qui seule permet d’employer des concepts purs de l’entendement, c’est-à-dire du schématisme de l’entendement pur, et le second, des jugements synthétiques qui découlent a priori, sous ces conditions, des concepts purs de l’entendement et qui servent de fondement à toutes les autres connaissances a priori, c’est-à-dire des principes de l’entendement pur.