Page:Kant - Critique de la raison pure, 1905.djvu/291

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sensible ; mais ce quelque chose n’est, sous ce rapport, ((en qualité d’objet d’une intuition en général))[1], que l’objet (Object) transcendantal. Par cet objet il faut entendre quelque chose = x dont nous ne savons rien du tout et dont même, en général, (d’après la constitution actuelle de notre entendement), nous ne pouvons rien savoir, mais qui peut, à titre de corrélatif de l’unité de l’aperception, servir à unifier le divers dans l’intuition sensible, opération par laquelle l’entendement lie ce divers dans le concept d’un objet. Cet objet transcendantal ne peut nullement être séparé des données sensibles, puisqu’il ne resterait plus rien qui servît à le concevoir. Il n’est donc pas un objet de la connaissance en soi, mais seulement la représentation des phénomènes sous le concept d’un objet en général, déterminable par le divers des phénomènes.

C’est précisément pour cette raison qu’au lieu de représenter un objet (Object) particulier donné à l’entendement seul, les catégories ne servent qu’à déterminer l’objet (Object) transcendantal (le concept de quelque chose en général) par ce qui est donné dans la sensibilité, et à reconnaître ainsi empiriquement des phénomènes sous des concepts d’objets.

Quant à la raison pour laquelle, n’étant pas encore satisfait du substrat de la sensibilité, on a attribué aux phénomènes des noumènes que l’entendement pur peut seul con-


Mais aussitôt il se présente ici une équivoque qui peut occasionner une grande erreur ; c’est qu’en effet l’entendement, tout en nommant phénomène un objet pris sous un certain rapport, se fait en même temps, en dehors de ce rapport, une autre représentation d’un objet en lui-même et se persuade par conséquent qu’il peut aussi se faire des concepts d’objets de cette espèce, et que, puisque l’entendement ne fournit pas d’autres concepts que les catégories, l’objet, du moins dans ce dernier sens, doit (muss) pouvoir être pensé au moyen de ces concepts purs de l’entendement ; il est ainsi conduit à prendre le concept entièrement indéterminé d’un être de l’entendement, considéré comme quelque chose en général en dehors de notre sensibilité, pour un concept déterminé d’un être que nous pourrions connaître de quelque manière par l’entendement.

  1. Kant. Nachtr.