Page:Kant - Critique de la raison pure, 1905.djvu/435

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un point de repos à votre imagination ? Puisque les substances ont toujours été dans le monde, que, du moins, l’unité de l’expérience rend nécessaire une telle supposition, il n’y a aucune difficulté à admettre aussi que le changement de leurs états, c’est-à-dire une série de leurs changements, a toujours été et que, par suite, il n’est besoin de rechercher aucun premier commencement, ni mathématique, ni dynamique. Il n’est pas possible de comprendre comment peut avoir lieu une telle dérivation infinie sans un premier membre par rapport auquel tous les autres ne sont que successifs ; mais si vous voulez écarter pour cela ces énigmes de la nature, vous vous verrez contraints de rejeter plusieurs propriétés fondamentales synthétiques (forces fondamentales) qu’il vous est aussi peu que possible permis de comprendre, et même la possibilité d’un changement en général doit vous paraître choquante. En effet, si vous ne trouviez pas par l’expérience qu’elle est réelle, vous ne pourriez jamais imaginer a priori comment est possible une telle succession perpétuelle d’être et de non-être.

En tout cas, cependant, quand même on admettrait une faculté transcendantale de liberté pour commencer les changements du monde, ce pouvoir ne devrait, du moins, être qu’en dehors du monde (bien que ce soit toujours une prétention téméraire d’admettre, en dehors de l’ensemble de toutes les intuitions possibles, un objet qui ne peut être donné dans aucune perception possible). Mais, dans le monde même, il ne peut jamais être permis à personne d’attribuer un tel pouvoir aux substances, puisqu’alors disparaîtrait, en grande partie, l’enchaînement des phénomènes qui se déterminent nécessairement les uns les autres suivant des