Page:Kant - Critique de la raison pure, 1905.djvu/668

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638 CANON DE LA RAISON PURE d'établir la certitude de la chose, il y a dans les jugements simplement théoriques quelque chose d'analogue avec les jugements pratiques, à la croyance desquels convient le mot foi, et que nous pouvons appeler la foi doctrinale. S'il était possible de l'établir par quelque expérience, je pourrais bien parier toute ma fortune qu'il y a des habitants au moins dans quelqu'une des planètes que nous voyons. Aussi n'est- ce pas une simple opinion, mais une ferme foi (sur la vérité de laquelle je hasarderais beaucoup de biens de ma vie) qui me fait dire qu'il y a aussi des habitants dans d'autres mondes. Or, nous devons avouer que la doctrine de l'existence de Dieu appartient à la foi doctrinale. En effet, bien que, au point de vue de la connaissance théorique du monde, je n'aie rien à décider qui suppose nécessairement cette pensée comme condition de nos explications des phénomènes du monde, mais que je sois plutôt obligé de me servir de ma raison comme si tout n'était que nature, l'unité finale est pourtant une si grande condition de l'application de la raison à la nature que je ne peux nullement la laisser de côté quand d'ailleurs l'expérience m'en offre tant d'exemples. Or, à cette unité, que la raison donne comme fil conducteur dans l'étude de la nature, je ne connais pas d'autre condition que de supposer qu'une intelligence suprême a tout ordonné suivant les fins les plus sages. Par conséquent, supposer un sage créateur du monde est une condition d'un but, à la vérité, contingent, mais toutefois très important : celui d'avoir un fil conducteur dans l'investigation de la nature. Le succès de mes recherches confirme si souvent l'utilité de cette supposition, et il est si vrai qu'on ne peut rien alléguer de décisif contre elle, que je dirais beaucoup trop peu en appelant ma croyance une simple opinion, mais que je puis dire, même sous ce rapport théorique, que je crois ferme- ment en un Dieu: mais alors, cette foi n'est pourtant pas pra- tique dans le sens strict, elle doit être appelée une foi doctrinale que doit nécessairement produire partout lu théo- logie de la nature (la théologie physique). Au point de vue de cette même sagesse et en considérant les dons brillants de la nature humaine et la brièveté de la vie si peu appro- priée avec ces dons, on peut aussi trouver une raison suffi- sante en faveur d'une foi doctrinale en la vie future de l'âme humaine.