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DE LA RAISON PURE


personne ne connaît d’autres conditions conduisant à la même unité de fins sans la loi morale. Si donc le précepte moral est en même temps ma maxime (comme ma raison ordonne qu’il le soit), je croirai inévitablement à l’existence de Dieu et à une vie future, et je suis certain que rien ne peut faire chanceler cette croyance, puisque cela renverserait mes principes moraux mêmes, auxquels je ne saurais renoncer sans me rendre méprisable à mes propres yeux. » Ce n’est là toujours qu’une croyance, non un savoir : « personne, dit Kant (p. 386), ne peut se vanter de savoir qu’il y a un Dieu et une vie future, car, s’il le sait, il est précisément l’homme que je cherche depuis longtemps » ; mais c’est une croyance aussi indéracinable que le sentiment moral auquel elle est indissolublement unie : « je ne cours pas plus risque de perdre cette foi que je ne crains de me voir jamais dépouillé de ce sentiment. » Dira-t-on qu’elle se fonde sur la supposition de sentiments moraux qui peuvent ne pas exister au même degré chez tous les hommes ; Kant répond que tout être raisonnable prend nécessairement un certain intérêt à la moralité, bien que cet intérêt ne soit pas toujours sans partage et qu’il n’ait pas toujours la prédominance dans la pratique, et que la question est d’affermir et de développer en nous ce sentiment par le moyen de l’éducation. « Si, dit-il admirablement (p. 387), vous ne prenez pas soin dès le début, ou au moins à moitié chemin, de rendre les hommes bons, vous n’en ferez jamais des hommes sincèrement croyants. »

Architectonique de la raison pure.

Pour achever l’œuvre de la critique de la raison pure, il ne reste plus qu’à esquisser l’architectonique de tout l’ensemble de la connaissance provenant de cette faculté, c’est-à-dire à donner à cet ensemble la forme d’un système où l’unité du tout et le rapport des parties entre elles et avec le tout soient si exactement déterminés qu’aucune de ces parties ne puisse échapper et aucune autre y être ajoutée arbitrairement, c’est-à-dire en un mot une forme vraiment scientifique. C’est là, en effet, en général le caractère de toute connaissance scientifique ; « Sous le gouvernement de la raison (p. 389), nos connaissances ne doivent pas former une rhapsodie, mais un système, et c’est seulement à cette condition qu’elles peuvent soutenir et favoriser les fins essentielles de la raison. »