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Page:Kant - Critique de la raison pure, I-Intro.djvu/157

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ANALYSE DE LA CRITIQUE


(p. 406), représentent sans doute un édifice, mais un édifice en ruines.

Il constate d’abord comme un fait assez remarquable que, dans l’enfance de la philosophie, les hommes ont commencé par où nous finirions plutôt maintenant, c’est-à-dire par l’étude de la connaissance de Dieu et de la nature d’un autre monde. « Quelque grossières, dit-il (p. 406), que fussent les idées religieuses introduites par les anciens usages que les peuples avaient conservés de leur état de barbarie, cela n’empêcha pas la partie la plus éclairée de se livrer à de libres recherches sur ce sujet, et l’on comprit aisément qu’il ne peut y avoir de manière plus solide et plus certaine de plaire à la puissance invisible qui gouverne le monde et d’être ainsi heureux, au moins dans une autre vie, que la bonne conduite. La théologie et la morale furent donc les deux mobiles ou plutôt les deux points d’aboutissement pour toutes les recherches auxquelles on ne cessa de se livrer par la suite. Toutefois la première fut proprement ce qui engagea peu à peu la raison purement spéculative dans une œuvre qui devint plus tard si célèbre sous le nom de métaphysique. »

Sans vouloir suivre l’histoire de la métaphysique dans ses révolutions successives, Kant signale le triple but en vue duquel elles eurent lieu.

C’est d’abord le point de vue de l’objet. À ce point de vue, les uns furent sensualistes, comme Épicure ; les autres, intellectualistes, comme Platon. « Les premiers, dit Kant (p. 407), affirmaient qu’il n’y a de réalité que dans les objets des sens, que tout le reste est imagination ; les seconds au contraire disaient qu’il n’y a dans les sens rien qu’apparence, que l’entendement seul connaît le vrai. Les premiers ne refusaient pas pour cela de la réalité aux concepts de l’entendement, mais cette réalité n’était pour eux que logique, tandis qu’elle était mystique pour les autres. Ceux-là accordaient des concepts intellectuels, mais ils n’admettaient que des objets sensibles. Ceux-ci voulaient que les vrais objets fussent purement intelligibles, et admettaient une intuition de l’entendement pur se produisant sans le secours d’aucun sens, mais seulement, suivant eux, d’une manière confuse. »

C’est ensuite le point de vue de l’origine des connaissances rationnelles. Deux écoles sont encore ici en présence : celle des