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Page:Kant - Critique de la raison pure, I-Intro.djvu/60

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DE LA RAISON PURE


que le critérium de la nécessité réside uniquement dans cette loi de l’expérience possible, à savoir que tout ce qui arrive est déterminé à priori dans le phénomène par sa cause. Cette loi, qui n’est autre que le principe de causalité, se traduit à son tour en un certain nombre de principes qu’on peut considérer aussi comme des lois à priori de la nature : in mundo non datur casus, — non datur fatum, — non datur saltus, — non datur hiatus ; et tous ces principes ont pour caractère de servir à rendre l’expérience possible en représentant comme nécessaire l’enchaînement continu de tous les phénomènes. Il est donc vrai de dire que le signe de la nécessité dans l’existence ne s’étend pas au delà du champ de l’expérience possible, et que, dans ce champ, il ne s’applique qu’aux rapports des phénomènes suivant la loi dynamique de la causalité.

Mais la possibilité des choses ne s’étend-elle pas au delà du cercle de l’expérience ? C’est là une question dont la solution n’est plus du ressort de l’entendement, mais revient à cette faculté suprême qui est proprement la raison. Kant ne fait donc que l’indiquer ici pour la renvoyer à la place où elle devra être traitée.

Nous avons parcouru avec lui tout le système des principes de l’entendement pur ; la seconde édition y ajoute une remarque générale, que nous ne devons pas négliger. Cette remarque porte sur ce point, capital aux yeux de Kant (c’est en effet l’un des plus importants de sa critique), que les catégories toutes seules ne sauraient nous faire découvrir la possibilité d’aucune chose, mais que nous avons toujours besoin d’une intuition à laquelle elles s’appliquent et qui leur donne une valeur objective. Prenez telle catégorie que vous voudrez, et vous verrez qu’aucune des questions auxquelles elle donne lieu ne peut se résoudre par de simples concepts. Comment, par exemple, de ce que quelque chose est, s’en suit-il qu’une autre chose doive être ? C’est ce que nous ne saurions découvrir par cette voie. Nous ne savons même pas, sans intuition, si les catégories nous font penser un objet. C’est qu’elles ne sont que de simples formes de la pensée servant à transformer en connaissances des intuitions données, et que, par conséquent, elles ne sont point par elles-mêmes des connaissances. Mais ce n’est pas seulement l’intuition en général, ce sont les intuitions extérieures qui nous


I. D