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Page:Kant - Critique de la raison pure, I-Intro.djvu/85

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ANALYSE DE LA CRITIQUE


de parties simples. — Quant à cette affirmation qui forme la seconde partie de l’antithèse, à savoir qu’il n’existe dans le monde absolument rien de simple, Kant nous avertit (p. 56) qu’il faut l’entendre en ce sens que, comme rien ne peut être donné dans aucune expérience possible comme un objet absolument simple, et que le monde sensible doit être regardé comme l’ensemble de toutes les expériences possibles, il n’y a rien de simple qui soit donné en lui.

Troisième antinomie.

La troisième antinomie porte sur les idées de liberté et de nécessité. Thèse : la causalité déterminée par les lois de la nature n’est pas la seule d’où puissent être dérivés tous les phénomènes du monde, mais il est nécessaire d’admettre aussi, pour les expliquer, une cause libre. Antithèse : il n’y a pas de liberté, mais tout dans le monde arrive suivant des lois naturelles.

Preuve de la thèse.

La thèse, comme toutes les précédentes, se démontre par l’impossibilité de soutenir la supposition du contraire. Supposez que tout dans le monde arrive suivant des lois nécessaires, il faut admettre que la série des causes dérivant l’une de l’autre n’est jamais complète, puisqu’il n’y a jamais de véritable commencement, mais une chaîne de causes dont aucune n’est la première. Or la loi de la nature veut aussi que rien n’arrive sans une cause suffisamment déterminée à priori. Donc la proposition qui soumet toute causalité à la nécessité des lois naturelles est contradictoire, et il faut admettre une causalité capable de produire des événements qui ne sont pas nécessairement déterminés par une autre cause antérieure, et par conséquent de commencer par elle-même une série de phénomènes qui se déroulent ensuite suivant des lois naturelles, ou une causalité douée d’une spontanéité absolue, en un mot une causalité libre.

Preuve de l’antithèse.

A son tour l’antithèse se démontre par la réfutation de la précédente thèse. Supposez qu’il y ait une espèce de causalité capable de commencer par elle-même une action et par là une série d’événements qui en dérivent, vous admettez une action qui détermine une série d’événements sans être elle-même déterminée par aucune cause antérieure. Or cela est contraire à la loi même de la causalité, qui exige que tous les événements du monde soient enchaînés les uns aux autres, et sans laquelle l’unité de l’expérience deviendrait impossible. Il faut donc en revenir à la nécessité de la nature, qui seule peut expliquer l’enchaînement