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ANALYSE DE LA CRITIQUE


dans le monde, ni hors du monde, comme en étant la cause, en être absolument nécessaire.

Dans les Remarques qui accompagnent cette quatrième et dernière antinomie, Kant fait observer qu’il n’a dû employer ici que des arguments cosmologiques, c’est-à-dire empruntés à l’ordre des considérations qui s’appuient sur la conception du monde, telle qu’elle résulte des lois de l’entendement, et qu’il a laissé à dessein de côté celles qui se fondent sur la seule idée d’un être suprême entre tous les êtres en général, ou ce qu’il nomme les arguments ontologiques. Comme ce genre de preuves appartient à un autre principe de la raison, il se représentera plus tard, en son lieu. Notre philosophe explique aussi par là comment il a dû, dans la preuve de la thèse, laisser indécise la question de savoir si l’être nécessaire dont il s’agit de démontrer l’existence est le monde lui-même, ou s’il en est différent : « pour répondre à cette question, dit-il (p. 70), il faut des principes qui ne sont plus cosmologiques qui et ne se trouvent pas dans la série des phénomènes. »

De l’intérêt de la raison dans ce conflit avec elle-même.

Telles sont les antinomies de la raison pure. En exposant, comme on vient de le voir, ce qu’il appelle « le jeu dialectique des idées cosmologiques (p. 75), » Kant a dû, pour en représenter les motifs dans toute leur pureté rationnelle, se borner à « de sèches formules ; » mais, après avoir débattu ces questions, sous cette forme tout abstraite, il éprouve maintenant en quelque sorte le besoin d’en parler dans un langage qui en relève la grandeur et l’intérêt. « La philosophie, s’écrie-t-il (p. 76) dans un élan qu’il faut citer, la philosophie, en partant du champ de l’expérience et en s’élevant insensiblement jusqu’à ces idées sublimes, montre une telle dignité que, si elle pouvait soutenir ses prétentions, elle laisserait bien loin derrière elle toutes les autres sciences humaines, puisqu’elle promet d’assurer les fondements sur lesquels reposent nos plus hautes espérances, et de nous donner des lumières sur les fins dernières vers lesquelles doivent converger en définitive tous les efforts de la raison. Le monde a-t-il un commencement, et y a-t-il quelque limite à son étendue dans l’espace ? Y a-t-il quelque part, peut-être dans le moi pensant, une unité indivisible et impérissable, ou n’y a-t-il rien que de divisible et de passager ? Suis-je libre dans mes actions, ou, comme les autres êtres, suis-je conduit par