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§ 23


La proposition précédente est de la plus grande importance ; car elle détermine les limites de l’usage des concepts purs de l’entendement relativement aux objets, comme l’a fait l’esthétique transcendentale pour l’usage de la forme pure de notre intuition sensible. L’espace et le temps, comme conditions de la possibilité en vertu de laquelle des objets nous sont donnés, n’ont de valeur que par rapport aux objets des sens et par conséquent à l’expérience. Au delà de ces limites ils ne représentent plus absolument rien ; car ils ne sont que dans les sens et n’ont aucune réalité en dehors d’eux. Les concepts purs de l’entendement échappent à cette restriction, et ils s’étendent aux objets de l’intuition en général : qu’elle soit ou non semblable à la nôtre, il n’importe, pourvu qu’elle soit sensible et non intellectuelle. Mais il ne nous sert de rien d’étendre ainsi les concepts au delà de notre intuition sensible. Car nous n’avons plus alors que des concepts vides d’objets, que nous ne pouvons déclarer possibles ou impossibles, ou de pures formes de la pensée, dépourvues de toute réalité, puisque nous n’avons aucune intuition à laquelle puisse s’appliquer l’unité synthétique de l’aperception, seule chose que contiennent les concepts, et que c’est seulement de cette manière qu’ils peuvent déterminer un objet. Notre intuition sensible et empirique est donc seule capable de leur donner un sens et une valeur.

Si donc on suppose donné l’objet d’une intuition non sensible, on peut sans doute le représenter par tous les prédicats déjà contenus dans cette supposition, que rien