Page:Kant - Critique de la raison pure, I.djvu/214

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Dans les jugements analytiques, je n’ai pas besoin de sortir du concept donné pour prononcer quelque chose sur ce concept. Le jugement est-il affirmatif, je ne fais que joindre au concept ce qui s’y trouvait déjà pensé ; est-il négatif, je ne fais qu’exclure du concept son contraire. Mais dans les jugements synthétiques, il faut que je sorte du concept donné pour considérer dans son rapport avec lui quelque autre chose que ce qui y était pensé ; par conséquent, ce rapport n’est jamais un rapport ni d’identité ni de contradiction, et à cet égard le jugement ne peut présenter ni vérité ni erreur.

Or, dès qu’on admet qu’il faut sortir d’un concept donné pour le rapprocher synthétiquement d’un autre, on doit admettre aussi un troisième terme qui seul peut produire la synthèse des deux concepts. Quel est donc ce troisième terme qui est comme le médium de tous les jugements synthétiques ? Ce ne peut être qu’un ensemble où sont renfermées toutes nos représentations, à savoir le sens intérieur, et la forme à priori de ce sens, le temps. La synthèse des représentations repose sur l’imagination, mais leur unité synthétique (qu’exige le jugement) se fonde sur l’unité de l’aperception. C’est donc ici qu’il faut chercher la possibilité des jugements synthétiques, et aussi, puisque les trois termes renferment tous des sources de représentations à priori, la possibilité de jugements synthétiques purs ; ils seront même nécessaires en vertu de ces principes, s’il en doit résulter une connaissance des objets qui repose simplement sur la synthèse des représentations.

Pour qu’une connaissance puisse avoir une réalité objective, c’est-à-dire se rapporter à un objet et y trouver sa valeur et sa signification, il faut que l’objet puisse