Page:Kant - Critique de la raison pure, I.djvu/254

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cendre le courant d’un fleuve. Ma perception du lieu où ce bateau se trouve en aval du fleuve, succède à celle du lieu où il se trouvait en amont, et il est impossible que dans l’appréhension de ce phénomène le bateau soit perçu d’abord en aval, et ensuite en amont. L’ordre des perceptions qui se succèdent dans l’appréhension est donc ici déterminé, et elle-même en dépend. Dans le précédent exemple de l’appréhension d’une maison, mes perceptions pouvaient commencer par le faîte de la maison et finir par les fondements, ou bien commencer par le bas et finir par le haut, et de même elles pouvaient appréhender par la droite ou par la gauche les éléments divers de l’intuition empirique. Dans la série de ces perceptions, il n’y avait donc pas d’ordre déterminé qui me forçât à commencer par ici ou par là pour lier empiriquement les éléments divers de mon appréhension. Mais cette règle ne saurait manquer dans la perception de ce qui arrive, et elle rend nécessaire l’ordre des perceptions successives (dans l’appréhension de ce phénomène).

Je dériverai donc, dans le cas qui nous occupe, la succession subjective de l’appréhension de la succession objective des phénomènes, puisque la première sans la seconde serait tout à fait indéterminée et ne distinguerait aucun phénomène d’un autre. Seule, celle-là ne prouve rien quant à la liaison des éléments divers dans l’objet, puisqu’elle est tout arbitraire. La seconde consistera donc dans un ordre des éléments divers du phénomène, tel que l’appréhension de l’un (qui arrive) suive, selon une règle, celle de l’autre (qui précède). C’est ainsi seulement que je puis être fondé à dire du phénomène lui-même, et non pas seulement de mon appréhension, qu’on y doit trouver une succession ; ce qui signifie que je ne saurais