Page:Kant - Critique de la raison pure, I.djvu/257

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purement fictives, et n’auraient pas de véritable valeur, puisqu’elles ne seraient pas fondées à priori, mais ne s’appuieraient que sur l’induction. Il en est ici comme des autres représentations pures à priori (par exemple de l’espace et du temps) que nous ne pouvons tirer de l’expérience à l’état de concepts clairs que parce que nous les avons mises dans l’expérience, et que nous n’avons constitué celle-ci que par le moyen de celles-là. Mais, si cette représentation d’une règle déterminant la série des événements ne peut acquérir la clarté logique d’un concept de cause que quand nous en avons fait usage dans l’expérience, la considération de cette règle comme condition de l’unité synthétique des phénomènes dans le temps n’en est pas moins le fondement de l’expérience même, et par conséquent la précède à priori.

Il s’agit donc de montrer par un exemple que jamais, même dans l’expérience, nous n’attribuons à l’objet la succession (que nous nous représentons dans un événement, lorsque quelque chose arrive qui n’existait pas auparavant) et ne la distinguons de la succession subjective qui se manifeste dans notre appréhension, qu’à la condition d’avoir pour principe une règle qui nous contraigne à garder cet ordre des perceptions plutôt qu’un autre, si bien que c’est proprement cette nécessité qui rend possible la représentation d’une succession dans l’objet.

Nous avons en nous des représentations dont nous pouvons aussi avoir conscience. Mais, si étendue, si exacte et si précise que puisse être cette conscience, ce ne sont toujours que des représentations, c’est-à-dire des déterminations intérieures de notre esprit dans tel ou tel rapport de temps. Comment donc arrivons-nous à leur supposer un objet, ou à leur attribuer, outre la réalité