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CRITIQUE DE LA RAISON PURE


paraisse. Qu’on suppose que notre critique n’ait point fait la distinction qu’elle établit nécessairement entre les choses comme objets d’expérience et ces mêmes choses comme objets en soi, alors il faut étendre à toutes les choses en général, considérées comme causes efficientes, le principe de la causalité, et, par conséquent, le mécanisme naturel qu’il détermine. Je ne saurais donc dire du même être, par exemple de l’âme humaine, que sa volonté est libre et que pourtant il est soumis à la nécessité physique, c’est-à-dire qu’il n’est pas libre, sans tomber dans une évidente contradiction. C’est que, dans les deux propositions, j’ai pris l’âme dans le même sens, c’est-à-dire comme une chose en général (comme un objet en soi), et, sans les avertissements de la critique, je ne pourrais la regarder autrement. Que si la critique ne s’est pas trompée en nous apprenant à prendre l’objet en deux sens différents, comme phénomène et comme chose en soi ; si sa déduction des concepts de l’entendement est exact, et si, par conséquent, le principe de la causalité ne s’applique aux choses que dans le premier sens, c’est-à-dire en tant qu’elles sont des objets d’expérience, tandis que, dans le second sens, ces mêmes choses ne lui sont plus soumises, la même volonté peut être conçue sans contradiction, d’une part, comme étant nécessairement soumise, au point de vue phénoménal[ndt 1] (dans

  1. In der Erscheinung.

    concept soit une pensée possible, quoique je ne puisse répondre que dans l’ensemble de toutes les possibilités, un objet corresponde ou non à ce concept. Pour être en droit de lui attribuer une valeur objective (une possibilité réelle, car la première n’est que logique) il faudrait quelque chose de plus. Mais ce quelque chose de plus, il n’est pas besoin de le chercher dans les sources théorétiques de la connaissance il peut bien se rencontrer dans les sources pratiques.