Page:Kant - Critique de la raison pure, I.djvu/321

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pas l’intuition sensible jusqu’aux choses en soi, et que par conséquent l’on restreigne la valeur objective de la connaissance sensible (car le reste où elle n’atteint pas, on l’appelle noumène, précisément pour indiquer par là que cette sorte de connaissances ne peut étendre son domaine sur tout ce que conçoit l’entendement). Mais, en définitive, la possibilité de ces noumènes n’en est pas moins insaisissable, et, en dehors de la sphère des phénomènes, il n’y a plus (pour nous) que le vide. En d’autres termes, nous avons un entendement qui s’étend problématiquement plus loin que cette sphère, mais nous n’avons aucune intuition par laquelle des objets puissent nous être donnés en dehors du champ de la sensibilité, nous n’avons même aucun concept d’une intuition possible de ce genre, et l’entendement ne peut être employé assertoriquement en dehors de ce champ. Le concept d’un noumène n’est donc qu’un concept limitatif [ndt 1], destiné à restreindre les prétentions de la sensibilité, et par conséquent il n’a qu’un usage négatif. Il n’est pas cependant une fiction arbitraire, mais il se rattache à la limitation de la sensibilité, sans toutefois pouvoir rien établir de positif en dehors de son champ.

La division des objets en phénomènes et noumènes et du monde en monde sensible et monde intelligible, ne peut donc être admise dans un sens positif, bien qu’on puisse certainement admettre celle des concepts en sensibles et intellectuels ; car on ne peut assigner à ces derniers aucun objet et par conséquent leur attribuer une valeur objective. Quand on s’éloigne des sens, comment faire comprendre que nos catégories (qui seraient pour

  1. Grenzbegriff.