Page:Kant - Critique de la raison pure, I.djvu/336

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de croire qu’il n’avait pas médiocrement étendu par là la connaissance de la nature. Sans doute, quand je regarde une goutte d’eau comme une chose en soi d’après toutes ses qualités intrinsèques, je ne puis en regarder aucune autre comme différente de celle-là, si tout le concept de la seconde est identique à celui de la première. Mais, si cette goutte d’eau est un phénomène dans l’espace, elle n’a pas seulement sa place dans l’entendement (parmi les concepts), mais dans l’intuition extérieure sensible (dans l’espace) ; et, comme les lieux physiques sont tout à fait indifférents par rapport aux déterminations intrinsèques des choses, un lieu = b peut tout aussi bien recevoir une chose absolument semblable et égale à une autre située dans un lieu = a, que si la première était intrinsèquement distincte de la seconde. La différence des lieux, sans autre condition, rend la pluralité et la distinction des objets, considérés comme phénomènes, non-seulement possibles par elles-mêmes, mais même nécessaires. Cette prétendue loi des indiscernables n’est donc pas une loi de la nature. Elle est simplement une règle analytique, ou une comparaison des choses au moyen de simples concepts.

2o Ce principe, que les réalités (comme simples affirmations) ne sont jamais logiquement contraires les unes aux autres, est un principe tout à fait vrai quant au rapport des concepts, mais qui ne signifie absolument rien, soit par rapport à la nature, soit par rapport à quelque chose en soi (dont nous n’avons aucun concept). En effet, il y a une contradiction réelle partout où A−Β = 0. c’est-à-dire où deux réalités étant liées dans un sujet, l’une supprime l’effet de l’autre, comme le montrent incessamment tous les obstacles et toutes les réactions