Page:Kant - Critique de la raison pure, I.djvu/384

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

toute expérience, où l’on ne saurait jamais trouver un objet adéquat à l’idée transcendentale. Lorsqu’on nomme une idée, on dit beaucoup eu égard à l’objet (comme objet de l’entendement pur), mais on dit très-peu eu égard au sujet (c’est-à-dire relativement à sa réalité sous des conditions empiriques), précisément parce que, comme concept d’un maximum, elle ne peut jamais être donnée in concreto dans une intuition adéquate. Or, comme ce concept est proprement tout le but de l’usage purement spéculatif de la raison, et que, si l’on ne fait qu’approcher d’un concept, sans pouvoir l’atteindre jamais dans l’exécution[ndt 1], c’est comme si on le manquait tout à fait, on dit d’un concept de ce genre qu’il n’est qu’une idée. Ainsi, on pourrait dire que la totalité absolue des phénomènes n’est qu’une idée ; car, comme nous ne saurions jamais nous figurer rien de pareil, elle reste un problème sans solution. Au contraire, comme dans l’usage pratique de l’entendement, il ne s’agit que de l’exécution de certaines règles, l’idée de la raison pratique peut toujours être donnée réellement, bien que partiellement, in concreto, et même elle est la condition indispensable de tout usage pratique de la raison. L’exécution de cette idée est toujours bornée et défectueuse, mais dans des limites qu’il est impossible de déterminer, et, par conséquent, elle est toujours soumise à l’influence du concept d’une absolue perfection. L’idée pratique est donc toujours extrêmement féconde, et elle est indispensablement nécessaire par rapport aux actions réelles. La raison pure y puise la causalité nécessaire pour produire réellement ce qui y est contenu. Aussi ne peut-on dire dédai-

  1. In Ausübung.