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THÉORIE ÉLÉMENTAIRE


nous fournit des intuitions ; mais c’est par l’entendement qu’ils sont pensés, et c’est de lui que sortent les concepts[ndt 1]. Toute pensée doit aboutir, en dernière analyse, soit directement (directe), soit indirectement (indirecte), à des intuitions, et par conséquent à la sensibilité qui est en nous, puisqu’aucun objet ne peut nous être donné autrement.

L’effet d’un objet sur la capacité de représentation[ndt 2], en tant que nous sommes affectés par lui, est la sensation. On nomme empirique toute intuition qui se rapporte à l’objet par le moyen de la sensation. L’objet indéterminé d’une intuition empirique s’appelle phénomène[ndt 3].

Ce qui, dans le phénomène, correspond à la sensation, je l’appelle la matière de ce phénomène ; mais ce qui fait que ce qu’il y a en lui de divers[ndt 4] peut être ordonné suivant certains rapports, je le nomme la forme du phénomène. Comme ce en quoi les sensations se coordonnent nécessairement, ou ce qui seul permet de les ramener à une certaine forme, ne saurait être lui-même sensation, il suit que, si la matière de tout phénomène ne peut nous être donnée qu’à posteriori, la forme en doit être à priori dans l’esprit, toute prête à s’appliquer à tous, et que, par conséquent, on doit pouvoir la considérer indépendamment de toute sensation.

J’appelle pures (dans le sens transcendental) toutes les représentations où l’on ne trouve rien qui se rapporte à la sensation. La forme pure des intuitions, dans laquelle tous les éléments divers des phénomènes sont perçus[ndt 5] sous certains rapports, doit donc être en général à

  1. Begriff.
  2. Vorstellungsfähigkeit.
  3. Erscheinung.
  4. Das Mannigfaltige.
  5. Angeschaut.