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REMARQUES GÉNÉRALES

§ 8

Remarques générales sur l’esthétique transcendentale

I. Il est d’abord nécessaire d’expliquer aussi clairement que possible notre opinion sur la constitution de la connaissance sensible en général, afin de prévenir tout malentendu à ce sujet.

Ce que nous avons voulu dire, c’est donc que toutes nos intuitions ne sont autre chose que des représentations de phénomènes ; c’est que les choses que nous percevons ne sont pas en elles-mêmes telles que nous les percevons, et que leurs rapports ne sont pas non plus réellement ce qu’ils nous apparaissent ; c’est que, si nous faisons abstraction de notre sujet ou seulement de la constitution subjective de nos sens en général, toutes les propriétés, tous les rapports des objets dans l’espace et dans le temps, l’espace et le temps eux-mêmes s’évanouissent, parce que rien de tout cela, comme phénomène, ne peut exister en soi, mais seulement en nous. Quant à la nature des objets considérés en eux-mêmes et indépendamment de toute cette réceptivité de notre sensibilité, elle nous demeure entièrement inconnue. Nous ne connaissons rien de ces objets que la manière dont nous les percevons ; et cette manière, qui nous est propre, peut fort bien n’être pas nécessaire à tous les êtres, bien qu’elle le soit à tous les hommes. Nous n’avons affaire qu’à elle. L’espace et le temps en sont les formes pures ; la sensation en est la matière générale. Nous ne pouvons connaître ces formes qu’à priori, c’est-à-dire avant toute perception