Page:Kant - Critique de la raison pure, II.djvu/122

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
109
DÉCISION CRITIQUE DU CONFLIT


des arguments spécieux et à renverser bientôt après ces mêmes propositions par d’autres arguments tout aussi forts. Il affirmait que Dieu (qui vraisemblablement n’était pour lui rien autre chose que le monde) n’est ni fini ni infini, qu’il n’est ni en mouvement, ni en repos, qu’il n’est ni semblable ni dissemblable à aucune autre chose. Il semblait à ceux qui le jugeaient d’après cela qu’il voulût nier absolument deux propositions contradictoires, ce qui est absurde. Mais je ne trouve pas que ce reproche lui puisse être justement adressé. J’examinerai bientôt de près la première de ces propositions. Pour ce qui est des autres, si par le mot Dieu il entendait l’univers, il devait sans doute dire que celui-ci n’est ni toujours présent en son lieu (en repos), ni changeant de lieu (en mouvement), puisque il n’y a de lieux que dans l’univers et que celui-ci par conséquent n’est lui-même en aucun lieu. Si l’univers contient en soi tout ce qui existe, il n’est non plus à ce titre ni semblable, ni dissemblable à aucune autre chose, puisqu’il n’y a en dehors de lui aucune autre chose à laquelle il puisse être comparé. Quand deux jugements opposés l’un à l’autre supposent une condition impossible, ils tombent alors tous deux, malgré leur opposition (qui n’est pas proprement une contradiction), puisque la condition sans laquelle chacun d’eux ne saurait avoir de valeur tombe elle-même.

Si l’on dit : tout corps ou sent bon ou sent mauvais, il y a un troisième cas possible, c’est qu’il ne sente rien (qu’il n’exhale aucune odeur), et alors les deux propositions contraires peuvent être fausses. Mais si je dis : tout corps ou est odoriférant ou n’est pas odoriférant (vel suaveolens vel non suaveolens), les deux jugements sont opposés contradictoirement, et le premier seul est