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DE L’UNION DE LA LIBERTÉ AVEC LA NÉCESSITÉ


de la légèreté et de l’irréflexion, sans perdre de vue les circonstances occasionnelles qui ont pu agir à leur tour. Dans tout cela on procède comme on le fait en général dans la recherche de la série des causes déterminantes d’un effet naturel donné. Or, bien que l’on croie que l’action a été déterminée par là, on n’en blâme pas moins l’auteur, et cela non pas à cause de son mauvais naturel, non pas à cause des circonstances qui ont influé sur lui, non pas même à cause de sa conduite antérieure, car on suppose que l’on peut laisser tout à fait de côté ce qu’a été cette conduite, regarder la série des conditions écoulées comme non avenue, et cette action comme entièrement indépendante de l’état antérieur, comme si l’auteur avait par là commencé absolument, de lui-même une série d’effets. Ce blâme se fonde sur une loi de la raison, où l’on regarde celle-ci comme une cause qui a pu et dû déterminer la conduite de l’homme, indépendamment de toutes les conditions empiriques indiquées. Et l’on n’envisage point la causalité de la raison comme concomitante, mais comme complète par elle-même, quand même les mobiles sensibles ne lui seraient pas favorables, mais contraires ; l’action est attribuée au caractère intelligible de l’auteur : il se rend coupable au moment où il ment ; par conséquent, malgré toutes les conditions empiriques de l’action, la raison était entièrement libre, et cet acte doit être absolument imputé à sa négligence.

On voit aisément par ce jugement d’imputabilité qu’en le formant on a dans la pensée que la raison n’est nullement affectée par toute cette sensibilité, qu’elle ne se modifie pas (bien que ses phénomènes, c’est-à-dire la manière dont elle se manifeste dans ses effets, soient va-