Page:Kant - Critique de la raison pure, II.djvu/179

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
166
DIALECTIQUE TRANSCENDENTALE


tionnels. La vertu et, avec elle, la sagesse humaine, dans toute leur pureté, sont des idées. Mais le sage (des stoïciens) est un idéal, c’est-à-dire un homme qui n’existe que dans la pensée, mais qui concorde parfaitement avec l’idée de la sagesse. De même que l’idée donne la règle, l’idéal en pareil cas sert de prototype pour la complète détermination de la copie, et nous n’avons pas d’autre mesure de nos actions que la conduite de cet homme divin que nous trouvons dans notre pensée, avec lequel nous nous comparons ; et d’après lequel nous nous jugeons et nous corrigeons, mais sans jamais pouvoir atteindre sa perfection. Bien qu’on ne puisse attribuer à ces idéaux une réalité objective (une existence), on ne doit pas cependant les regarder comme de pures chimères ; mais ils fournissent à la raison une mesure indispensable : la raison en effet a besoin du concept de ce qui est absolument parfait dans son espèce, afin de pouvoir estimer et mesurer en conséquence le degré et le défaut de ce qui est imparfait. Mais vouloir réaliser l’idéal dans un exemple, c’est-à-dire dans le phénomène, comme le sage dans un roman, c’est ce qui est impraticable et paraît en outre peu sensé et peu édifiant, puisque les bornes naturelles, en dérogeant continuellement à la perfection idéale, rendent toute illusion impossible dans une pareille tentative, et par là nous conduisent à regarder comme suspecte et comme imaginaire le bien même qui est dans l’idée.

Voilà ce qui est vrai de l’idéal de la raison, lequel doit toujours reposer sur des concepts déterminés, et servir de règle et de type, soit pour l’action, soit pour le jugement. Il en est tout autrement des créations de l’imagination, dont personne ne peut donner aucune explication ni aucune notion intelligible, et qui sont comme des