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DE L'IDÉAL TRANSCENDENTAL


un mot, nous pourrons le déterminer dans son absolue perfection par tous ses prédicats. Le concept d’un tel être est celui de Dieu conçu dans le sens transcendental, et c’est ainsi que l’idéal de la raison pure est l’objet d’une théologie transcendentale, comme je l’ai indiqué plus haut.

Cependant cet usage de l’idée transcendentale dépasserait déjà les bornes de sa destination et de son admissibilité. La raison, en effet, en la donnant pour fondement à la détermination complète des choses en général, ne la pose que comme le concept de toute réalité, sans demander que toute cette réalité soit donnée objectivement et constitue elle-même une chose. Cette chose est une pure fiction 1[1] par laquelle nous rassemblons et réalisons dans un idéal, comme dans un être particulier, la diversité de nos idées, sans avoir même le droit d’admettre la possibilité d’une pareille hypothèse. Il en est de même de toutes les conséquences qui découlent de cet idéal : elles ne concernent en rien la complète détermination des choses en général, laquelle n’a besoin que de l’idée seule, et elles n’ont pas sur elle la moindre influence.

Il ne suffit pas de décrire le procédé de notre raison et sa dialectique ; il faut encore chercher à en découvrir les sources, afin de pouvoir expliquer cette apparence même comme un phénomène de l’entendement ; car l’idéal dont nous parlons n’est pas fondé sur une idée simplement arbitraire, mais sur une idée naturelle. Je demande donc comment la raison arrive à regarder toute possibilité des choses comme dérivée d’une seule possi-

  1. * Eine blosze Erdichtung.