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IMPOSSIBILITÉ DE LA PREUVE COSMOLOGIQUE


cet argument cosmologique que la raison spéculative semble avoir ici déployé tout son art dialectique afin de produire la plus grande apparence transcendentale possible. Nous en laisserons cependant l’examen un moment de côté, afin de faire remarquer l’artifice avec lequel elle donne pour nouveau un vieil argument rhabillé, et en appelle à l’accord de deux témoignages, celui de la raison pure et celui de l’expérience, quand c’est seulement le premier qui change de figure et de voix afin de se faire passer pour le second. Pour se donner un fondement solide, cette preuve s’appuie sur l’expérience, et elle a ainsi l’air de se distinguer de la preuve ontologique, qui met toute sa confiance en de purs concepts à priori. Mais la preuve cosmologique ne se sert de cette expérience que pour faire un seul pas, c’est-à-dire pour s’élever à l’existence d’un être nécessaire en général. La preuve empirique ne peut rien apprendre des attributs de cet être, et ici la raison prend congé de cette preuve, et cherche derrière de purs concepts quels attributs doit avoir en général un être absolument nécessaire, c’est-à-dire un être qui, entre toutes les choses possibles, renferme les conditions requises (requisita) pour une nécessité absolue. Or ces conditions, on croit les trouver uniquement dans le concept d’un être souverainement réel, et l’on conclut que cet être est l’être absolument nécessaire. Mais il est clair que l’on suppose ici que le concept d’un être possédant la suprême réalité satisfait pleinement à celui de l’absolue nécessité dans l’existence, c’est-à-dire que l’on peut conclure de l’une à l’autre. Or c’est cette proposition qu’affirmait l’argument ontologique ; on l’admet donc et on la prend pour fondement dans la preuve cosmologique, tandis qu’on avait voulu l’éviter. En effet la né-