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DIALECTIQUE TRANSCENDENTALE


a de divers dans les concepts, en proposant une certaine unité collective pour but aux actes de l’entendement, qui sans cela se borneraient à l’unité distributive.

Je soutiens donc que les idées transcendentales n’ont jamais d’usage constitutif, comme si des concepts de certains objets étaient donnés par là, et que, entendues dans ce dernier sens, elles ne sont que des idées sophistiques (dialectiques). Mais elles ont au contraire un usage régulateur excellent et indispensablement nécessaire, celui de diriger l’entendement vers un certain but, où convergent les lignes que suivent toutes ses règles, et qui, bien qu’il ne soit qu’une idée (focus imaginarius), c’est-à-dire un point d’où les concepts de l’entendement ne partent pas réellement, puisqu’il est placé tout à fait en dehors des limites de l’expérience possible, sert cependant à leur donner la plus grande unité avec la plus grande extension. Or il en résulte bien une illusion telle que ces lignes semblent partir d’un objet même qui serait placé en dehors du champ de la connaissance empiriquement possible (de même que les objets paraissent être derrière le miroir où on les voit) ; mais cette illusion (qu’on peut cependant empêcher de nous tromper) n’en est pas moins nécessaire, lorsque, outre les objets qui sont devant nos yeux, nous voulons voir aussi ceux qui sont loin derrière nous, c’est-à-dire, dans le cas présent, quand nous voulons pousser l’entendement au delà de toute expérience donnée (faisant partie de toute l’expérience possible) et le dresser ainsi à prendre l’extension la plus grande et la plus excentrique possible.

Si nous jetons un coup d’œil sur tout l’ensemble des connaissances de notre entendement, nous trouvons que la part qu’y a proprement la raison, ou ce qu’elle cherche