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PARALOGISMES DE LA RAISON PURE


doctrine ajoutant quelque chose à la connaissance de nous-mêmes. Mais, comme discipline : elle fixe dans ce champ des bornes infranchissables à la raison spéculative : elle l’empêche, d’une part, de se jeter dans l’abîme d’un matérialisme sans âme, et, d’autre part, de se perdre dans les rêves d’un spiritualisme sans fondement pour nous dans la vie. Dans ce refus de toute réponse opposé par la raison aux questions ambitieuses dont l’objet sort des limites de cette vie, elle nous montre un signe qui nous avertit de détourner notre étude de nous-mêmes de la spéculation transcendentale, qui est oiseuse, pour l’appliquer à l’usage pratique, qui seul est fécond. Tout en s’appliquant uniquement à des objets d’expérience, cette dernière méthode n’en puise pas moins ses principes à une source plus élevée, et elle détermine la conduite comme si notre destination s’étendait infiniment au delà de l’expérience et par conséquent de cette vie.

On voit par tout cela que la psychologie rationnelle tire son origine d’une pure confusion. L’unité de la conscience, qui sert de fondement aux catégories, est prise ici pour une intuition du sujet en tant qu’objet, et la catégorie de la substance y est appliquée. Mais cette unité n’est autre que celle de la pensée, qui à elle seule ne donne point d’objet, et à laquelle par conséquent ne s’applique pas la catégorie de la substance, qui suppose toujours une intuition donnée, de telle sorte qu’ici le sujet ne peut être connu. Le sujet des catégories ne saurait donc recevoir, par cela seul qu’il les conçoit, un concept de lui-même comme objet de ces catégories ; car, pour les concevoir, il lui faut supposer en principe la pure conscience de soi, qui a dû cependant être expliquée.