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DISCIPLINE DE LA RAISON PURE


l’influence que peut avoir la méthode sceptique pour provoquer un examen fondamental de la raison, il n’est pas sans intérêt d’exposer, autant que cela convient à mon dessein, la marche de ses raisonnements et les erreurs d’un homme si pénétrant et si estimable, erreurs qui n’ont pris naissance que sur le sentier de la vérité.

Hume pensait peut-être, bien qu’il ne se soit jamais parfaitement expliqué là-dessus, qu’il y a certains jugements où nous sortons de notre concept de l’objet. J’ai appelé synthétique cette espèce de jugements. Que je puisse sortir, au moyen de l’expérience, du concept que j’ai déjà, c’est ce qui ne présente aucune difficulté. L’expérience est elle-même une synthèse de perceptions, laquelle augmente le concept que j’ai déjà au moyen d’une perception, en y ajoutant des perceptions nouvelles. Mais nous croyons aussi pouvoir sortir à priori de notre concept et étendre notre connaissance. Nous tentons de le faire soit par l’entendement pur, relativement à ce qui peut être du moins un objet d’expérience, soit même par la raison pure, relativement à des propriétés de choses ou même à l’existence d’objets qui ne peuvent jamais se présenter dans l’expérience. Notre sceptique ne distingua point, ces deux espèces de jugements comme il aurait dû le faire, et il regarda comme impossible cette augmentation des concepts par eux-mêmes, et, pour ainsi dire, cet enfantement spontané de notre entendement (et de notre raison) sans la coopération de l’expérience. Il tint donc pour imaginaires tous les prétendus principes à priori, et il crut qu’ils n’étaient autre chose qu’une habitude résultant de l’expérience et de ses lois, c’est-à-dire que des règles contingentes en soi auxquelles nous attribuons à tort la nécessité et l’universalité. A