Page:Kant - Critique de la raison pure, II.djvu/370

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
356
MÉTHODOLOGIE TRANSCENDENTALE


sonneurs dogmatiques ; elle est en quelque sorte le champion qui veut démontrer l’honneur et le droit incontestable du parti qu’il a embrassé en s’engageant à se battre avec quiconque voudrait en douter, bien que cette fanfaronnade ne prouve rien en faveur de la chose, mais ne fasse que montrer la force respective des antagonistes, ou seulement celle de l’agresseur. Les spectateurs, en voyant que chacun est à son tour tantôt vainqueur et tantôt vaincu, en prennent souvent occasion pour douter sceptiquement de l’objet même de la dispute. Mais ils ont tort, et il suffit de leur crier : non defensoribus istis tempus eget. Chacun doit établir sa cause au moyen d’une preuve légitime obtenue par la déduction transcendentale des arguments, c’est-à-dire directement, afin qu’on voie ce que chacun peut alléguer en faveur de ses prétentions rationnelles. Car si l’adversaire s’appuie sur des raisons subjectives, il est assurément facile de le réfuter, mais sans que le dogmatique en puisse tirer aucun avantage, puisque d’ordinaire il ne s’attache pas moins aux principes subjectifs du jugement, et qu’il peut également être mis au pied du mur par son antagoniste. Mais si les deux parties agissent d’une manière toute directe, ou bien elles remarqueront d’elles-mêmes la difficulté et même l’impossibilité de trouver le titre de leurs assertions, et elles finiront par ne plus invoquer que la prescription ; ou bien la critique découvrira aisément l’apparence dogmatique, et elle obligera la raison pure à renoncer à ses prétentions exagérées dans l’usage spéculatif et à rentrer dans les limites du terrain qui lui est propre, c’est-à-dire des principes pratiques.


______