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Page:Kant - Critique de la raison pure, II.djvu/62

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PREMIÈRE ANTINOMIE


vons concevoir la grandeur d’un quantum qui n’est pas donné dans certaines limites propres à toute intuition *[1] qu’au moyen de la synthèse des parties, et la totalité d’un quantum de ce genre que par la synthèse complète ou par l’addition répétée de l’unité **[2]. Donc, pour concevoir comme un tout le monde remplissant tous les espaces, il faudrait regarder comme complète la synthèse successive des parties d’un monde infini, c’est-à-dire qu’il faudrait qu’un temps infini fût considéré comme écoulé dans l’énumération de toutes les choses coexistantes, ce qui est impossible. Donc un agrégat in- infini par rapport au temps écoulé.

Pour ce qui est du second point, si l’on admet d’abord la thèse contraire, à savoir que le monde est fini et limité dans l’espace, il se trouve dans un espace vide, qui n’est pas limité. Il n’y aurait point seulement par conséquent un rapport des choses dans l’espace, mais encore un rapport des choses à l’espace. Or, comme le monde est un tout absolu en dehors duquel il n’y a pas d’objet d’intuition, et par conséquent pas de corrélatif avec lequel il soit en rapport, le rapport du monde à l’espace vide ne serait pas un rapport à un objet. Mais un rapport de ce genre n’est rien, et par conséquent aussi la limitation du monde par l’espace vide. Le monde n’est donc pas limité dans l’espace, c’est-à-dire qu’il est infini en étendue *[3].

  1. * Nous pouvons percevoir un quantum indéterminé comme un tout, quand il est renfermé dans des limites, sans avoir besoin d’en construire, en le mesurant, la totalité, c’est-à-dire la synthèse successive des parties. En effet les limites déterminent déjà cette totalité, puisqu’elles écartent toute autre grandeur.
  2. ** Le concept de la totalité n’est pas autre chose en ce cas que la représentation de la synthèse complète de ses parties ; car, comme ce n’est pas de l’intuition du tout (qui dans ce cas est impossible) que nous pouvons tirer le concept, nous ne pouvons le saisir, du moins en idée, qu’au moyen de la synthèse des parties élevée jusqu’à l’infini.
  3. * L’espace est simplement la forme de l’intuition extérieure (une intuition formelle), et non une chose réelle qui puisse être l’objet d’une intuition extérieure. L’espace, avant toutes les choses qui le déterminent (le remplissent ou le limitent), ou plutôt qui donnent une intuition empirique en harmonie avec sa forme, ou ce qu’on nomme l’espace absolu, n’est pas autre chose que la simple possibilité de phénomènes extérieurs,

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