tion de l'esprit comme législateur et régulateur du monde, la souveraineté du sujet pensant.
Dans son œuvre colossale, quatre ouvrages surtout attirent
l'attention. Dans la Critique de la Raison pure (1781), à
laquelle il convient de rattacher les Prolégomènes à toute
métaphysique future voulant se présenter comme science
(1783), il développe sa théorie de la connaissance. Toute
connaissance suppose une matière et une forme, c’est-à-dire
des faits d’intuition et des rapports entre ces faits. Ces rapports, œuvre du sujet pensant et valables par conséquent
pour le seul monde des phénomènes, sont de trois sortes :
formes à priori de l'intuition, catégories de l’entendement,
idées de la raison. Ils assurent une base ferme à la science,
ou connaissance des phénomènes ; mais ils ne peuvent nous
permettre d’atteindre aux noumènes ou choses en soi, et
toute métaphysique dogmatique se trouve par là condamnée
sans appel. Dans la Critique de la Raison pratique (1788),
à laquelle se rattache de même le Fondement de la Métaphysique des Mœurs (1785), Kant définit une morale du
devoir et de la bonne volonté : morale rationaliste, également distante de l'empirisme et du mysticisme ; morale
d’autonomie, qui pose la personne humaine comme fin en soi.
Il rétablit d’autre part, à titre de croyances, les affirmations religieuses qu’il avait exclues du savoir. Dans la Critique de la faculté de juger (1790), il renouvelle les deux questions du beau et de la finalité et rétablit un passage entre les deux domaines, trop profondément séparés par lui jusque-là, de la nature et de la liberté, de la connaissance et de l’action. Enfin la Religion dans les limites de la raison (1793) donne la formule d’un christianisme rationalisé, où le dogme est d’ailleurs radicalement subordonné à la morale. Il convient d’ajouter, pour que cette notice succincte ne paraisse pas
trop injuste, que certaines vues cosmologiques, sociales et
pédagogiques de Kant sont du plus durable intérêt.
Nous avons cru aider utilement à la vulgarisation de la
pensée kantienne et servir la cause de la haute spéculation
philosophique en rééditant la traduction, aujourd’hui épuisée,
que Jutes Barni a faite de la Critique de la Raison pure.
Cette traduction a les plus sérieuses qualités, elle est intelligente, claire, aussi aisée et coulante que le peut être une
Page:Kant - Critique de la raison pure, traduction Barni, Flammarion, 1900, tome 1.djvu/10
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