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ANALYTIQUE DU BEAU.


déploie dans ce but), fût-il même très-utile aux autres dans la poursuite du même but, en travaillant à leurs plaisirs pour en jouir lui-même par sympathie : c’est ce que la raison ne peut permettre. Agir sans égard à la jouissance, dans une pleine liberté et indépendamment de tous les secours qu’on peut recevoir de la nature, voilà ce qui seul peut donner à notre existence, à notre personne, une valeur absolue ; et le bonheur avec tout le cortège des agréments de la vie est loin d’être un bien inconditionnel[1].

Mais, malgré cette distinction qui les sépare, l’agréable et le bon s’accordent en ce que tous deux attachent un intérêt à leur objet, et je ne parle pas seulement de l’agréable, §.3, et de ce qui est médiatement bon (de l’utile), ou de ce qui plaît comme moyen pour obtenir quelque agrément, mais même de ce qui est bon absolument et à tout égard, ou du bien moral, lequel contient un intérêt suprême. C’est qu’en effet le bien est l’objet de la volonté (c’est-à-dire de la faculté de désirer déterminée par la raison). Or vouloir une chose et trouver une satisfaction dans l’existence

  1. L’obligation à la jouissance est une absurdité manifeste. Il en est de même de toute obligation qui prescrirait des actions dont le seul but serait la jouissance, si spirituelle (ou si relevée) qu’on la supposât, et s’agît-il même de ce qu’on appelle une jouissance mystique ou céleste.