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CRITIQUE DU JUGEMENT ESTHÉTIQUE




§. XIII.


Le pur jugement de goût est indépendant de tout attrait et de toute émotion.


Tout intérêt gâte le jugement de goût et lui ôte son impartialité, surtout lorsqu’au rebours de l’intérêt de la raison, il ne place pas la finalité avant le sentiment du plaisir, mais qu’il fonde celle-là sur celui-ci, comme il arrive toujours dans le jugement esthétique que nous portons sur une chose, en tant qu’elle nous cause du plaisir ou de la peine. Aussi les jugements qui ont ce caractère ne peuvent-ils en aucune manière prétendre à une satisfaction universellement valable, ou le peuvent-ils d’autant moins qu’il y a plus de sensations de cette espèce parmi les principes qui déterminent le goût. Le goût reste à l’état de barbarie tant qu’il a besoin du secours de l’attrait et des émotions pour être satisfait, et qu’il y cherche même la mesure de son assentiment.

Et cependant il arrive souvent qu’on ne se borne pas à mêler des attraits à la beauté (qui ne devrait pourtant consister que dans la forme), comme pour ajouter à la satisfaction esthétique universelle, mais qu’on les donne eux-mêmes pour des beautés, et qu’on met ainsi la matière de la satisfaction à la place de la forme : c’est là une erreur