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ANALYTIQUE DU BEAU


sonne d’être d’un autre avis, quoique nous ne fondions point notre jugement sur des concepts, mais seulement sur notre sentiment ; mais aussi ce sentiment n’est point pour nous un sentiment individuel : c’est un sentiment commun. Or ce sens commun ne peut pas être fondé sur l’expérience, car il entend prononcer des jugements qui renferment une nécessité, une obligation ; il ne dit pas que chacun sera d’accord, mais devra être d’accord avec nous. Ainsi le sens commun au jugement duquel mon jugement de goût sert d’exemple, et qui m’autorise à attribuer à celui-ci une valeur exemplaire, est une règle purement idéale, sous la supposition de laquelle un jugement qui s’accorderait avec elle, ainsi que la satisfaction attachée parce jugement à un objet, pourrait justement servir de règle pour chacun : car le principe dont il est ici question, n’étant il est vrai que subjectif, mais étant considéré comme subjectivement universel (comme une idée nécessaire pour chacun) pourrait exiger, comme un principe objectif, l’assentiment universel aux jugements portés d’après ce principe, pourvu seulement qu’on fût bien assuré de les y avoir exactement subsumés.

Cette règle indéterminée d’un sens commun est réellement supposée par nous : c’est ce que prouve le droit que nous nous attribuons de porter des jugements de goût. Y a-t-il en effet un tel sens com-


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