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ANALYTIQUE DU SUBLIME.


point étendue, mais notre concept de la nature cesse d’être le concept d’un pur mécanisme, il devient celui d’un art, et cela nous invite à entreprendre de profondes recherches sur la possibilité d’une telle forme. Mais dans ce que nous avons coutume d’appeler sublime de la nature, il n’y a rien qui nous conduise à des principes objectifs particuliers et à des formes de la nature conformes à ces principes, car la nature éveille surtout les idées du sublime par le spectacle du chaos, du désordre et de la dévastation, pourvu qu’elle y montre de la grandeur et de la puissance. On voit que le concept du sublime de la nature n’est pas à beaucoup près aussi important et aussi riche en conséquences que celui du beau, et qu’il ne révèle en général aucune finalité dans la nature même, mais seulement dans l’usage que nous pouvons faire des intuitions de la nature, pour nous rendre sensible une finalité tout à fait indépendante de celle-ci. Le principe du beau de la nature doit être cherché hors de nous, celui du sublime en nous-mêmes, dans une disposition de l’esprit qui donne à la représentation de la nature un caractère sublime. Cette observation préliminaire est très-importante ; elle sépare entièrement les idées du sublime de celle d’une finalité de la nature, et elle fait de la théorie du sublime un simple appendice au jugement esthétique de la finalité de la nature, puisque ces idées du sublime