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ANALYTIQUE DU SUBLIME.


compréhension devient d’autant plus difficile que l’appréhension est poussée plus loin, et elle parvient bientôt à son maximum, à savoir à la plus grande mesure esthétique possible de l’estimation de la grandeur. Car, lorsque l’appréhension est allée si loin que les premières représentations partielles de l’intuition sensible commencent déjà à s’éteindre dans l’imagination, tandis que celle-ci continue toujours son appréhension, elle perd d’un côté ce qu’elle gagne de l’autre, et la compréhension retombe toujours sur un maximum qu’elle ne peut dépasser.

On peut s’expliquer par là ce que remarque Savary dans ses Lettres sur l’Égypte, qu’il ne faut ni trop s’approcher ni trop s’éloigner des pyramides pour éprouver toute l’émotion que cause leur grandeur. Car si on s’en éloigne trop, les parties perçues (les pierres superposées) sont obscurément représentées, et cette représentation ne produit aucun effet sur le jugement esthétique. Si au contraire on s’en approche trop, l’œil a besoin de quelque temps pour continuer son appréhension de la base au sommet, et dans cette opération, les premières représentations s’éteignent toujours en partie avant que l’imagination ait reçu les dernières, en sorte que la compréhension n’est jamais complète. — On expliquera aussi de la même manière le trouble ou l’espèce d’embarras qui saisit, à ce qu’on raconte, celui qui entre pour la première fois dans l’église